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Les efforts des uns…

Anna-Lyne est cette mère monoparentale qui élève son ado de 15 ans. Vous savez, celle que vous croisez à tous les jours, qui travaille comme une déchainée. Oui, celle dont le fils ne parle jamais... Vous la replacez maintenant ? Pourtant, Anna-Lyne ne perd pas le sourire pour ses « p’tits vieux d’amour », comme elle les appelle. Et lorsqu’elle termine sa journée au centre pour personnes âgées, elle garde son sourire pour les clients du resto…

Mais l’emploi au resto, c’est temporaire. Elle le fait pour payer le voyage-échange de son fils au printemps prochain à Red Deer en Alberta. Il ne le sait pas encore. En fait, il pense qu’il ne pourra pas y aller… Mais Anna-Lyne tient à ce que son fils fasse ce genre de voyage pour qu’il voit autre chose, qu’il s’épanouisse et qu’il apprenne l’anglais. Bien sûr, c’était plus facile quand le père de Luka était là, mais les choses étant ce qu’elles sont, elle doit s’arranger toute seule. Peut-être qu’un jour, le père de son enfant prendra enfin ses responsabilités, mais pour le moment, Anna-Lyne les prend pour deux.

Luka n’a jamais été un garçon très extraverti. C’est même tout à fait l’opposé. Et ce l’est encore plus depuis qu’il est entré dans l’adolescence. Le cas typique. Il répond par un mot, parfois une demi-syllabe et souvent, par un grognement ou un son presqu’inaudible.

Depuis quelques semaines, en fait depuis que sa mère travaille sur l’heure du souper au resto, Luka va régulièrement chez sa grand-mère, à deux pas de là pour souper. Il est capable de se faire à manger, mais ça fait plaisir à sa grand-mère et elle cuisine tellement bien… En plus, ça rassure Anna-Lyne. Il revient toujours à la maison quelques minutes après sa mère il se dirige droit dans sa chambre et en ressort quelques minutes après. Il s’assoit devant la télé ou écoute de la musique avec ses écouteurs. Anna-Lyne se pose même des questions sur ses activités puisqu’elle n’est pas très présente. Elle le trouve louche, plus cachotier que d’habitude.

Un matin, alors que Luka est à l’école et qu’elle ne travaille pas au centre, elle appelle sa mère. Elle lui fait part de ses inquiétudes. Elle lui confie qu’elle trouve Luka plus renfermé, qu’il répond vaguement lorsqu’elle lui demande comment ça se passe pour lui ces temps-ci, qu’il évite les autres questions et qu’il fait sa petite routine en arrivant, celle d’aller dans sa chambre rapidement, puis d’en ressortir quelques minutes plus tard. Mais sa mère demeure, elle aussi, très vague. Comme si elle évitait le sujet. Pourtant, ce n’est pas trop son genre, d’éviter les sujet… Mais cette fois-ci, elle ne fait que dire à Anna-Lyne que tout est normal quand il va souper chez-elle, que Luka est comme d’habitude.

Une autre semaine se passe et un bon vendredi, en retournant à la maison, Anna-Lyne se dit que c’est ce soir qu’elle parle sérieusement avec son fils. Il va arriver, se diriger vers sa chambre et lorsqu’il sortira, avant qu’il n’allume la télé, elle va lui parler. Habituellement, ça adonne au moment où elle se prépare à souper.

Mais en arrivant à la maison, Luka est déjà là. Il fait jouer la « playlist 2 », la préférée de sa mère, à mille lieux de ce qu’il écoute habituellement. Rien pour rassurer Anna-Lyne, c’est encore plus bizarre que d’habitude… Elle le regarde, il lui fait un petit sourire gêné, elle lui répond par un sourire interrogateur mais ravi. Puis, Anna-Lyne lui demande : « Qu’est ce qui se passe ? T’es pas chez ta grand-mère ? Pourquoi la belle musique ? ». Il lui fait signe de le suivre. Il l’emmène dans la salle à manger et elle découvre deux couverts et un pâté au poulet au milieu, qui vient d’être sorti du four. Les yeux d’Anna-Lyse se remplissent d’eau. Elle prend son fils dans ses bras. Bon, il est raide comme une barre, mais c’est Luka…

Elle s’assoit et avant même que Luka leur serve le souper, il lui tend une carte. Sa mère le regarde avec une face de « Mais c’est pas ma fête… ». Elle l’ouvre et se met à lire une lettre collée à l’intérieur, la main droite automatiquement collée sur le cœur;

« Chère maman. Dans l’autre enveloppe, il y a un cadeau. Je ne t’en ai jamais fait qui venaient vraiment de moi. Soit que c’est toi qui payais, soit papa, ou même grand-maman. Il était temps que je m’organise pour t’en offrir un qui était entièrement de moi. Je sais que tu travailles trop et que tout ça, c’est pour moi. Quand tu cherchais un autre emploi dans un resto, j’ai dit ça à la mère de Jérémie quand j’étais chez lui. Elle est gérante chez St-Hubert. Elle n’avait pas d’emploi de serveuse, mais elle en avait un de disponible comme plongeur. Et c’est moi qui ai commencé à travailler. Je n’ai jamais soupé chez grand-maman depuis ce temps-là et elle m’a promis de garder le secret. Maintenant, tu vas pouvoir garder seulement ton emploi avec tes p’tits vieux que t’aime et moi, je vais continuer de ramasser mon argent pour mon voyage. L’horaire est parfait pour l’école, j’ai mon souper gratuit et là, la mère de Jérémie va pouvoir venir me porter à la porte au lieu d’au coin de la rue pour que tu ne risques pas de la voir… Je te jure que ça ne nuira pas à mes études. Et puis là, je vais aller m’ouvrir un compte à la banque, avec ton aide, et pouvoir faire déposer mes payes au lieu de me faire payer cash tous les soirs, et aller cacher ça dans ma chambre en arrivant… Et comme remerciement, maman, et parce que je t’aime fort, même si je ne parle pas beaucoup et que je sais tout ce que tu fais pour moi, je veux que tu acceptes ce cadeau qui est bien loin de tout ce que tu fais pour moi. »

Anna-Lyne pleurait déjà à « Chère maman », alors ça vous donne une idée de son état après avoir lu la lettre et après avoir découvert que Luka lui offrait une journée complète dans un spa du coin… Elle n’avait pas eu de plus beau souper en tête-à-tête depuis des années.

Les choses ne sont pas toujours comme on se les imagine. Même avec les personnes les plus proches. Et bien souvent, on pense que nos efforts ne sont pas remarqués… Mais si ces efforts sont faits pour la bonne raison, sans attendre de retour, ils seront toujours remarqués, tôt ou tard. Ou alors, c’est à nous de remarquer ceux des autres…

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